Introduction
Dans l’univers de la logistique, chaque journée est un défi d’organisation où rien ne se déroule jamais exactement comme prévu. Derrière l’apparente fluidité des livraisons que nous recevons en tant que consommateurs se cache une mécanique de précision orchestrée par des professionnels constamment en alerte. À la tête de cette organisation complexe : le directeur de site et son responsable d’exploitation, véritables chefs d’orchestre dont la partition change quotidiennement.
« Il n’y a pas une journée qui ressemble à une autre« , confie Michel, directeur de site chez Via Logistique. Cette réalité, loin d’être un inconvénient, constitue justement ce qui fait la richesse et l’attrait de ce métier exigeant. Dans un contexte où l’activité peut varier jusqu’à 70% entre la saison basse et la saison haute, la capacité d’adaptation devient non seulement une compétence essentielle, mais aussi un art à maîtriser.
Que se passe-t-il réellement dans les coulisses d’un entrepôt logistique ? Comment anticiper et gérer ces fluctuations importantes tout en maintenant un taux de service exceptionnel de 99,98% ? Comment coordonner la préparation de centaines de commandes, la réception de marchandises et l’expédition de plus de 2,2 millions de colis par an ?
Pour comprendre cette orchestration quotidienne, nous vous invitons à suivre une journée type aux côtés de Michel, directeur de site, et d’Abdel, responsable d’exploitation. Un binôme complémentaire qui jongle entre planification stratégique et opérations terrain pour transformer les contraintes en performance. Une immersion qui révèle que, contrairement aux idées reçues, la journée d’un directeur de site ne commence pas le matin… mais bien la veille au soir.
La veille au soir : là où tout se joue
En ce qui concerne la logistique, attendre le matin pour organiser sa journée est déjà trop tard. « Le matin à 6 heures, c’est trop tard« , affirme catégoriquement Michel. Cette vérité, fondamentale pour comprendre l’efficacité d’un site logistique performant, révèle l’importance cruciale de l’anticipation dans ce secteur.
L’analyse minutieuse du portefeuille de commandes
La journée type du directeur de site et de son responsable d’exploitation commence véritablement la veille au soir. C’est à ce moment que se joue toute l’organisation du lendemain. « En fin de journée, avec Abdel, on fait le point sur ce que l’on a en portefeuille« , explique Michel. C’est un moment stratégique essentiel.
Le binôme analyse en effet le “portefeuille”, à savoir les commandes entrantes, leur volume, leurs spécificités et leurs délais. Cette visibilité, généralement limitée à 24-48 heures maximum, impose une grande réactivité et une capacité d’analyse rapide. Malgré cette contrainte temporelle, cette étape d’évaluation permet de définir les grandes lignes de l’organisation du lendemain.
La planification des ressources : l’équation à multiples variables
À partir de cette analyse du portefeuille, le directeur et son responsable d’exploitation établissent un plan d’action précis :
- Dimensionnement des équipes : combien de préparateurs, caristes et contrôleurs seront nécessaires
- Organisation des arrivées échelonnées : « Si on a un portefeuille assez léger, on va faire venir les équipes vers 7 heures ou 8 heures. Si on a un portefeuille un peu plus étoffé, à ce moment-là, on fait venir une partie des équipes le matin à 6 heures« , détaille Michel
- Affectation des ressources matérielles : chariots, terminaux informatiques (PDA), quais disponibles
- Priorisation des différentes activités : préparation, réception, expédition, contrôle
Cette planification tient compte également des contraintes propres à chaque client, sachant que le site gère simultanément plusieurs donneurs d’ordre. « Il n’y a pas de priorité par client. C’est l’ensemble qui doit être géré« , souligne Abdel, illustrant la complexité de cette organisation multi-clients.
L’ordonnancement stratégique des opérations
L’une des décisions les plus critiques prises lors de cette préparation concerne l’ordonnancement des commandes. Plutôt que de traiter les commandes par client ou par zone géographique, l’équipe de direction opte pour une approche par transporteur.
« On va prioriser des transports et on va travailler dans un premier temps sur un seul transporteur et non pas sur un client ou un département défini« , explique Abdel. Cette stratégie optimise les flux en permettant de libérer progressivement les quais pour les réceptions tout en maximisant l’efficacité des préparations.
Ce choix d’ordonnancement s’accompagne d’objectifs temporels précis : « On a l’équivalent de trois heures de travail. Donc là, si on commence à 6 heures, vers 9 heures, on est censé avoir fini. » Ces jalons serviront de points de contrôle tout au long de la journée du lendemain.
La marge de sécurité : anticiper l’imprévisible
Malgré toute cette préparation, l’équipe de direction garde constamment à l’esprit une réalité immuable : rien ne se passera exactement comme prévu. « On part avec quelque chose de basique […] et on garde à l’esprit qu’on sait pertinemment que ce ne sera pas forcément ce qui va se passer le lendemain« , reconnaît Abdel.
Cette conscience de l’imprévisible n’est pas vécue comme une contrainte mais comme une donnée inhérente au métier. Elle conduit l’équipe à toujours prévoir une marge de sécurité, à anticiper des scénarios alternatifs et à préparer des solutions de repli. C’est cette préparation à l’imprévu qui constitue paradoxalement l’une des forces du management logistique.
À travers cette planification minutieuse, le directeur de site et son responsable d’exploitation posent les fondations d’une journée qui, bien que certainement différente de ce qu’ils ont imaginé, pourra être pilotée efficacement grâce à cette anticipation stratégique.
La matinée : orchestrer les flux dans un ballet millimétré
Dès l’ouverture du site, la stratégie élaborée la veille se met en mouvement. Pour un directeur de site logistique, la matinée représente un enjeu majeur : lancer efficacement la production tout en conservant la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux imprévus.
Le démarrage des préparations : une course contre la montre
La préparation est la priorité de la matinée. L’objectif est d’avancer au maximum sur les commandes avant que les réceptions ne viennent complexifier la gestion des flux et des espaces. Idéalement, une grande partie des préparations doit être terminée avant 9 heures, moment où s’intensifient les arrivées de marchandises.
Les équipes, dont l’arrivée a été échelonnée selon le volume anticipé, se mettent immédiatement à l’œuvre. Cette stratégie permet de segmenter l’activité et d’optimiser l’utilisation des ressources.
Le pilotage par indicateurs : la clé du contrôle
Tout au long de la matinée, le binôme directeur/responsable d’exploitation surveille attentivement la progression des opérations. Ce suivi méthodique permet d’identifier rapidement tout retard et de prendre les mesures correctives nécessaires.
Cette vigilance constante s’appuie sur un système d’information performant. « Tout est géré avec notre système informatique et avec ce qu’on appelle des PDA. Tout peut être informatisé, que ce soit la réception, la préparation, l’expédition, le contrôle« , indique Abdel. Chaque mouvement fait l’objet d’un scan, offrant une visibilité en temps réel sur l’avancement des opérations.
La gestion réactive : anticiper plutôt que subir
La force du management logistique réside dans sa capacité à réagir rapidement. « Si à 8h30, on se rend compte qu’on est en retard, on anticipe« , explique Michel. Cette anticipation peut prendre différentes formes : appel à du personnel intérimaire supplémentaire, réorganisation des priorités, ou encore report de certaines tâches moins urgentes.
« Le but c’est de réagir le plus tôt possible« , insiste Abdel. Cette réactivité précoce est d’autant plus cruciale que les clients mesurent la performance via des indicateurs précis. « Avec nos clients, on a des KPIs [indicateurs de performance], c’est-à-dire qu’on est mesuré sur le respect des délais de préparation et des délais d’expédition« , précise Michel. Un retard identifié trop tardivement peut entraîner des conséquences en cascade difficiles à rattraper.
Vers 11 heures, pour certains transporteurs, intervient le premier « cut-off » d’expédition. Ce jalon représente une étape clé où une partie des préparations doit être contrôlée, chargée et expédiée. La réussite de ce premier envoi conditionne la fluidité du reste de la journée, libérant espace et ressources pour les opérations suivantes.
L’après-midi : l’heure des expéditions et de la coordination multi-clients
Si la matinée est dominée par les préparations et les réceptions, l’après-midi bascule prioritairement vers les expéditions.
La gestion des expéditions : un enjeu d’espace et de ponctualité
L’expédition ne se limite pas à charger des camions. Elle nécessite d’abord un contrôle rigoureux des préparations, puis une coordination précise avec les transporteurs. « On va regarder ce qui était prévu mais qui n’est pas arrivé« , explique Abdel. Cette vérification est cruciale car tout retard de transporteur impacte l’ensemble de l’organisation du site.
La contrainte majeure réside dans l’espace disponible. « On a une dalle qui nous sert aussi bien pour la réception que pour l’expédition.« , souligne Abdel. Cette limitation impose une rotation parfaite : la zone doit être progressivement vidée des expéditions pour permettre les réceptions du lendemain.
L’équipe distingue deux types d’expéditions aux contraintes différentes :
- La messagerie (80% des expéditions) : palettes isolées livrées en 24-48h, avec plusieurs clients dans un même chargement
- L’affrètement : chargement dédié à un seul client, souvent pour des volumes plus importants
Pour les messageries, Via Logistique utilise un système de navettes qui permet de charger dès que les préparations sont prêtes, offrant une flexibilité précieuse. « Ça nous donne de la souplesse pour charger ce qui a été préparé rapidement, pour pouvoir ensuite continuer à travailler sur le même transport ou sur un autre« , explique Abdel.
La communication client : un fil rouge permanent
Parallèlement aux opérations physiques, le directeur et son responsable maintiennent un lien constant avec leurs clients. « On échange avec nos clients parce qu’ils ont besoin de précisions, d’informations, d’actions de notre part« , indique Abdel. Ces échanges, principalement par mail (jusqu’à 150 par jour), permettent d’ajuster en temps réel les priorités et de gérer les imprévus.
Les clients peuvent par exemple demander l’annulation d’une commande. L’équipe doit alors évaluer rapidement si cette intervention est encore possible selon l’état d’avancement des préparations. « Nous dirons au client ce qui est possible et ce qui ne l’est pas« , explique Abdel, illustrant l’équilibre entre réactivité vis-à-vis du client et contraintes opérationnelles.
Cette relation partenariale avec les clients, construite sur la durée, constitue un atout majeur. « Nous avons une relation de partenariat avec nos clients« , souligne Michel. Cette confiance mutuelle facilite la gestion des imprévus et contribue à maintenir un climat de travail serein malgré la pression opérationnelle.
Le binôme directeur/responsable d’exploitation : une complémentarité essentielle
La performance d’un site logistique repose en grande partie sur la complémentarité entre le directeur de site et son responsable d’exploitation. Cette collaboration étroite constitue la colonne vertébrale du management logistique.
Des rôles complémentaires pour une vision à 360°
« C’est un dialogue, un échange« , résume Michel pour décrire sa relation avec Abdel. Chacun apporte sa vision et ses compétences spécifiques : « Abdel a une meilleure visibilité que moi de l’activité du portefeuille de commandes. Moi, j’ai une meilleure visibilité de la disponibilité des chariots, de l’interface avec les boîtes d’intérim par exemple.«
Cette répartition naturelle des rôles permet une couverture complète des enjeux : Abdel se concentre sur les opérations quotidiennes et la gestion terrain, tandis que Michel maintient une vision plus stratégique, sans pour autant perdre le contact avec les réalités opérationnelles. « Je me considère un petit peu l’araignée au milieu de sa toile. Elle ne contrôle pas ce qu’il y a sur la toile mais à la moindre vibration, elle est au courant« , image Michel.
Une communication permanente et transparente
La force de ce binôme réside dans une communication constante, directe et sans filtre. Tout au long de la journée, directeur et responsable d’exploitation échangent sur l’avancement des opérations, les difficultés rencontrées et les décisions à prendre. « Tout au long de la journée, ils se parlent sans arrêt pour savoir si c’est OK ou pas OK, comment chacun voit les choses« , explique un membre de l’équipe.
Cette communication ouverte ne se limite pas au binôme dirigeant mais s’étend à l’ensemble des équipes. « C’est toute l’équipe qui alerte, prévient, interpelle Abdel tout au long de la journée« , poursuit ce collaborateur. Cette remontée d’information terrain constitue un complément essentiel aux données fournies par le système informatique.
La gestion du stress : transformer la pression en énergie positive
Dans un environnement aussi exigeant, la question du stress est inévitable. Pourtant, les deux responsables ont développé des approches leur permettant de transformer cette pression en moteur de performance.
« J’ai commencé par comprendre qu’il existait deux stress, un bon et un mauvais, et j’ai opté pour le bon stress« , explique Abdel. Cette distinction lui permet d’utiliser la tension inhérente au métier comme une source d’énergie, tout en sachant reconnaître les situations où il est préférable de passer le relais.
Michel, quant à lui, souligne l’importance d’activités extraprofessionnelles pour maintenir l’équilibre : « Comment je fais pour me déstresser ? Sitôt que j’ai quitté le site, j’ai plein d’autres activités annexes en dehors du travail qui me permettent de me vider complètement la tête.«
Le respect mutuel et la complémentarité de ce binôme permettent non seulement de répartir la charge mentale mais aussi de confronter les points de vue pour prendre les meilleures décisions.
Les facteurs clés de succès en logistique : au-delà de la technique
La gestion quotidienne d’un site logistique comme ceux de Via Logistique révèle plusieurs facteurs clés de succès qui vont bien au-delà des aspects purement techniques ou organisationnels.
La polyvalence des équipes : flexibilité et réactivité
« La polyvalence aujourd’hui, c’est quelque chose de primordial chez nous« , affirme Michel. Cette capacité à passer d’une tâche à l’autre permet une allocation dynamique des ressources en fonction des priorités du moment. « S’il n’y a pas de préparation de commandes pour le B2B, on peut basculer sur la préparation de commande pour le B2C ou sur du réétiquetage ou sur du montage de box« , poursuit-il.
Cette polyvalence n’est pas le fruit du hasard mais résulte d’une politique de formation continue : « Pour préparer une saison, on a déjà travaillé presque toute l’année passée à ce que tout le monde soit plus ou moins polyvalent sur les postes qui vont être des postes clés et charnières pour cette période de forte activité.«
L’anticipation et la capacité d’adaptation
Le succès de Via Logistique repose sur un subtil équilibre entre planification rigoureuse et adaptation constante. « J’apprécie la partie changeante de notre métier. Ce n’est pas quelque chose de linéaire« , confie Abdel. Cette capacité à embrasser le changement plutôt qu’à le subir constitue un atout majeur.
La gestion de la saisonnalité illustre parfaitement cette approche. L’entreprise a mis en place une « banque de temps » qui permet d’adapter le rythme de travail aux fluctuations d’activité : « On a deux périodes d’activité qui sont complètement différentes et distinctes, on sait qu’on a une période où on va travailler davantage. Et du coup, a contrario, on sait qu’il y a une période où on travaillera moins.«
La technologie au service de l’humain
Les outils technologiques jouent un rôle essentiel dans cette orchestration complexe. Le WMS (Warehouse Management System) couplé aux PDA permet un suivi en temps réel de chaque opération. « Tout au long de la journée, chaque opération qui est faite par nos équipes fait l’objet d’un scan« , explique un responsable. Cette traçabilité complète offre une visibilité précieuse sur l’avancement des tâches et les éventuels points de blocage.
Cependant, la technologie reste au service de l’intelligence humaine et non l’inverse. Les décisions finales s’appuient sur l’expertise des équipes et leur connaissance du terrain. « Grâce à toutes les remontées d’informations sur une préparation à un moment précis, nous visualisons notre avancée par rapport à ce qui était prévu, c’est notre curseur« , précise Abdel.
Le relationnel client : partenariat plutôt que prestation
La relation avec les clients s’inscrit dans une logique de partenariat durable plutôt que de simple prestation de service. « On a des clients historiques, ça fait des très longues années, pour ne pas dire une décennie passée, qu’ils sont chez nous« , souligne un membre de l’équipe.
Cette relation de confiance permet une communication fluide et constructive, même dans les moments de tension. Elle facilite également l’ajustement des priorités en cas d’imprévu, chaque partie comprenant les contraintes de l’autre. Ce climat de confiance contribue significativement à la qualité du service et à la sérénité des équipes.
Conclusion : l’humain au cœur de la performance logistique
Au terme de cette immersion dans la journée type d’un directeur de site logistique, une évidence s’impose : derrière l’apparente mécanique bien huilée des flux de marchandises se cache avant tout une aventure profondément humaine.
Ce que révèle le quotidien de Michel et Abdel va bien au-delà des process et des technologies. C’est l’histoire d’une passion pour un métier en perpétuelle évolution, où chaque jour apporte son lot de défis à relever. « Ce qui est intéressant, c’est qu’on touche à plein de domaines. On en apprend tous les jours aussi. Ça, c’est super important !« , confie Michel.
Cette quête permanente d’excellence se nourrit de l’imprévisible plutôt que de le craindre. « J’aime bien ne pas être dans une routine« , affirme Abdel. Cette capacité à transformer l’incertitude en opportunité d’apprentissage constitue probablement l’une des plus grandes forces de ces professionnels de la logistique.
Mais ce qui frappe peut-être le plus, c’est la dimension collective de cette réussite. La performance exceptionnelle de Via Logistique – avec ses 2,245 millions de colis traités annuellement et son taux de service de 99,98% – repose sur une intelligence collective où chaque maillon de la chaîne contribue à la valeur globale. « C’est ce qui permet aussi de passer des bonnes journées et d’avoir des équipes qui soient soudées comme elles le sont aujourd’hui« , résume un responsable.
Dans un monde où l’automatisation et la digitalisation progressent à grands pas, l’exemple de Via Logistique nous rappelle que la véritable innovation réside souvent dans la capacité à orchestrer harmonieusement la technologie et l’expertise humaine. Une leçon précieuse à l’heure où la logistique s’affirme comme un secteur stratégique pour notre économie.
Derrière chaque colis livré à l’heure, il y a bien plus qu’une succession d’opérations mécaniques : il y a l’engagement quotidien d’hommes et de femmes passionnés par le défi permanent que représente l’excellence logistique.